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LA TRACE DES JOURS (2009-2010)
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8 mars 2010

UN CLIN D'OEIL

à
Florence Aubenas
qui à sa manière rend un bel hommage aux" femmes de peu" dont le 8 mars s'oblige depuis 1982 à en faire leur journée

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Elle est devenue le "prolongement d'un aspirateur". De février à juillet 2009, Florence Aubenas s'est glissée dans la peau d'un travailleur précaire. Celui qui galère à trouver un emploi. Celui qui survit grâce au système D. Celui qui illustre tant de reportages sur la crise. Cette crise justement, on ne parlait plus que de ça. Et la journaliste avait l'impression de ne plus pouvoir en rendre compte faute de pouvoir la saisir. Alors, elle est partie la "palper", voir les choses à hauteur d'être humain, se plonger dedans corps et âme en cherchant un CDD à Caen anonymement. De cette expérience d'immersion, elle a fait un livre, Le quai de Ouistreham.

A son arrivée dans la cité normande, Florence Aubenas se dégotte une chambre meublée, se bricole un CV avec le bac pour seul bagage et s'invente une histoire : celle d'une femme au foyer de 48 ans plaquée par son homme. Son nom, elle le garde. Et c'est seulement les cheveux teints en blond et attachés, les lunettes sur le nez qu'elle écume les boîtes d'intérim et pousse la porte de Pôle Emploi. Seules deux personnes feront le rapprochement avec l'ex-otage en Irak dont le portrait avait été affiché sur toutes les mairies de France.

Pas de travail mais des heures

L'agence issue de la fusion entre les Assedic et l'ANPE est le passage obligé du chômeur. Il lui faut s'y rendre régulièrement, éplucher les petites annonces, rencontrer son conseiller, mettre son dossier à jour. Florence Aubenas raconte comme personne le "calme soucieux" qui règne dans ce grand hall "où rien n'invite à s'attarder", les courants d'air, les couleurs fadasses, les sempiternelles files d'attente, la lassitude des conseillers, pris en tenaille entre la directive de faire du chiffre et la réalité du marché de l'emploi. La journaliste la connaît, la situation, elle sait que les CDI sont rares, voire inexistants, elle sait qu'on peut se faire virer du jour au lendemain mais n'empêche, elle reste persuadée de décrocher un travail rapidement. D'ailleurs à la conseillère, elle affirme, la bouche en cœur, être "prête à tout". "Comme tout le monde", la décontenance l'employée de Pôle Emploi

Les horaires anarchiques, les salaires de misère mais aussi l'humiliation, la fatigue... Les "filles", comme s'appellent entre elles les femmes de ménage, sont une population corvéable à merci, vulnérable à l'excès, usée jusqu'à la corde. Pour autant, ce monde transparent ne se plaint jamais. Malgré la dureté des situations décrites, faites d'isolement et d'épuisement, le récit de Florence Aubenas est plein de vie, d'humour même. Les portraits qu'elle brosse de ses compagnons d'infortune sont extrêmement touchants, jamais misérabilistes. Il y a Françoise à la grosse voix rassurante de cow-boy, Philippe le gentil dragueur qui aime se balader à Intermarché, la touchante Marilou... Et la journaliste n'a pas son pareil pour leur donner la parole sans jamais les juger : retranscrire les moments de rigolade, de fraternité et de solidarité. Bref, redonner un peu de visibilité à un monde invisible. ( article écrit par Amélie Gautier)


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